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Retour sur le Forum de la Donnée Publique

Le 8 juin dernier, avait lieu le Forum de la donnée publique, organisé par RM conseil et La Tribune dans un format 100% dématérialisé.

forum de la donnée publique

Animé par la rédaction de La Tribune et parrainé par Éric Bothorel, député des Côtes-d’Armor et Valéria Faure-Muntian, députée de la Loire, ce Forum avait pour objectif de réunir celles et ceux qui « ambitionnent de concilier démocratisation, gouvernance et sécurité des données ». 

Pour commencer, d’après Wikipedia, « La notion de « donnée publique » couvre l’ensemble de données qui sont ou devraient être (légalement ou volontairement) publiées ou tenues à disposition du public, et qui sont produites ou collectées par un Etat, une collectivité, un organe parapublic, dans le cadre de leurs activités de service public. » Ce type de données pose un certain nombre de questions essentielles dont celle de la transparence des gouvernements disposant de ces informations. Pendant cette matinée exceptionnelle, deux tables rondes et deux entretiens ont permis de faire le point sur ce « nouvel or noir ». 

Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep, lors de l’entretien d’ouverture est revenue sur le principe de régulation par la donnée. Ce principe est simple, « on utilise la puissance de la donnée pour orienter le marché ». En mettant à la disposition de tous les données, cela va influer sur le comportement du consommateur, faciliter le travail du régulateur et sans doute changer les investissements des acteurs. On y ajoute aussi les données remontées par l’utilisateur. L’ensemble des collectivités peuvent également récupérer ces données pour élaborer de nouvelles politiques publiques. 

Autre question importante, l’empreinte du numérique sur l’environnement… Si le numérique peut avoir, à certains égards, un bénéfice sur l’environnement, son utilisation massive fait augmenter exponentiellement cette empreinte. Laure de La Raudière a annoncé officiellement que l’Arcep allait publier un Observatoire afin de sensibiliser le plus grand nombre pour changer les comportements.

Enfin, sur la question du rôle de la donnée publique dans la transformation de la France, elle a bien sûr rappelé que la donnée publique a un rôle essentiel à jouer puisqu’elle permet « l’empowerment » du citoyen. Tout le monde doit avoir accès aux données dont il a besoin et celles-ci doivent être en ligne. Il y a bien sûr, d’un côté, un gain d’efficacité économique de l’ensemble du service public et des acteurs privés en lien avec lui et de l’autre un citoyen « plus intelligent » qui peut faire valoir ses exigences pour améliorer le système. Au final, son pouvoir est rééquilibré grâce à ce partage d’information.

Le futur du service public réside dans la capacité qu’auront tous les acteurs à se mettre à la place du citoyen dans les usages quotidiens. Cela passe par l’amélioration du service qui est rendu et surtout par sa personnalisation qui doit prendre en compte le contexte dans lequel évolue le citoyen. 

La première table ronde intitulée « Quel est le rôle de la donnée publique dans la transformation de la France ? » réunissait plusieurs spécialistes de la question : Éric Bothorel, député des Côtes-d’Armor, Sébastien Soriano, directeur général de l’IGN, Stéphanie Combes, directrice du Health Data Hub et Gérard Barbosa, directeur général de Talan Solutions.  

Éric Bothorel a rappelé l’importance que la donnée publique soit le plus accessible possible. C’est ce qui ressortait de la mission qu’il a menée et dont les résultats ont été unanimement salués.  Le rapport qu’il a rendu met en avant les pistes d’amélioration de l’accessibilité et du partage des données publiques. Même si la France est en très bonne position dans le domaine de l’Open Data, il faut aller beaucoup plus loin dans le domaine parce que « la donnée est une politique au service de toutes les autres ». Pour rendre accessible cette donnée, un gros travail doit être réalisé : de l’infrastructure aux systèmes d’information. Il faut également mettre en lien les différents écosystèmes : à la fois ceux qui produisent et ceux qui réutilisent. Stéphanie Combes (directrice du Health Data Hub) a ajouté que pour atteindre cet objectif, il faut un certain nombre de moyens (des compétences, de la formation, des finances) mais aussi une politique publique qui soit « une vision portée au plus haut niveau ». La remise officielle de ce rapport sur la politique publique de la donnée a été suivi d’un « Comité interministériel de la transformation publique » et d’un certain nombre d’annonces dont la circulaire du Premier Ministre qui décline certaines recommandations. Parallèlement, on notera la démultiplication des « Hubs de données » qui se veulent être, selon Stéphanie Combes, le « bras armé » de cette volonté d’ouverture. La France se doit de rester à la tête des pays « open-data compliant » d’après Éric Bothorel, 

Gérard Barbosa (directeur général de Talan Solutions) a rappelé que cette politique d’ouverture de la data avait un certain nombre d’avantages mais aussi de « risques ». Il faut savoir gérer les données sensibles et éviter leur perte potentielle. Et ce, d’autant plus que dans le secteur public, il y a une véritable obsolescence de certains systèmes d’information. Il faut d’abord remettre à jour ces systèmes et augmenter les capacités d’hébergement. Mais c’est surtout sur les nouveaux usages et les expériences que l’on propose aux citoyens qu’il faut se concentre. Pour aller plus loin, le secteur public doit recruter des ingénieurs pour investir ce nouveau « terrain de jeu ». Gérard Barbosa a souligné l’importance du « terrain de jeu » dans la vision de Talan et la réelle pénurie qu’il existe en France sur ce type de profils. Ensuite, le secteur public va devoir faire évoluer ses systèmes d’information. Le secteur public doit se tourner vers des technologies comme le Cloud et ses hyperscalers (les super « clouders » internationaux). Éric Bothorela souligné que de nombreuses lois et amendements avaient été adoptés pour faciliter ce passage à « L’infrastructure as a service » pour le service public. 

Le problème de la data est également un problème d’infrastructures. Dans les administrations, les projets de modernisation des infrastructures sont complexes à mettre en œuvre lorsque des problématiques de performance, d’interopérabilité, de réversibilité, de portabilité prennent le pas. Sébastien Soriano (directeur général de l’IGN) a souligné l’importance du rôle de l’État qui doit être moteur dans cette transformation, tant au niveau de ses différentes entités qu’au niveau des divers écosystèmes « privés » qui tournent autour et sans qui cette transformation de la donnée publique ne sera pas possible. Sébastien Sorianoa pris pour exemple l’IGN qui a su « libérer » les informations qu’elle détenait et qu’elle vendait. La notion de gratuité liée au monde numérique est « un formidable atout qui permet de nouer des alliances et de travailler en mode collaboratif »et investir des domaines comme l’intelligence artificielle ou l’open source. L’État doit également changer sa posture en acceptant de mettre de côté sa position « centrale » et en collaborant avec les écosystèmes extérieurs. Stéphanie Combes a souligné l’importance du choix technologique qui doit permettre un partage rapide et massif de la data. 

Gérard Barbosa a également donné quelques recommandations à l’intention du secteur public pour une meilleure gestion de la data. D’abord, le Cloud est un passage obligé. Il permet des mises à jour régulières et l’utilisation d’outils dédiés pour exploiter et interpréter l’ensemble de ces données. La notion de temporalité est essentielle car, dans ce domaine, il faut aller très vite et « accélérer » l’ensemble des initiatives. En réalité, ce qui importe, c’est le « déclic et l’audace » plus que la technique. Sébastien Soriano a également rappelé que pour le secteur public il y a une réelle nécessité de mutualiser tout en restant « ouvert ». C’est donc le changement de paradigme et l’acculturation qui va avec qui prime plutôt que les problèmes techniques d’infrastructures. On pourra, de toute façon, procéder par étapes, ce qui permet de se structurer dans la démarche du partage de données. Gérard Barbosa a rappelé « que l’on peut se tromper. Dans le monde informatique, c’est courant. Il ne faut pas avoir peur de se tromper parce que ça permet d’en tirer de bonnes leçons. »

La donnée publique va permettre de diminuer l’empreinte numérique sur l’environnement grâce à une donnée de plus en plus « fine ». Elle permettra, par exemple, la généralisation des « villes intelligentes » et donc une meilleure gestion des infrastructures et des ressources énergétiques. Le véritable enjeu à venir est celui du croisement des jeux de données, quels que soient leurs domaines (démographie, santé, géographie, social… etc.). Se posent également la question du croisement des données publiques et privées tout comme celle de la capacité de l’ensemble des acteurs du service public à créer systématiquement de la donnée utilisable et de qualité. Au final, si la donnée n’est pas libérée (problèmes d’accessibilité ou « privatisation »), il y aura de vrais enjeux de souveraineté qui se poseront comme de capacité démocratique à prendre des décisions. 

Gérard Barbosa estime « qu’en libérant la donnée, vous allez donner confiance. Confiance au public, confiance au citoyen pour son exploitation. » Donner du sens à ces données est essentiel. Le Data Scientist a un rôle à jouer dans cette création de sens. Il faut trouver le bon « business model » à mettre en place pour l’open data. 

La seconde table ronde avait pour thématique : « De la donnée publique à l'usage citoyen : le futur du service public ? », elle réunissait Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique en santé, Laurent Sicart, président du comité Villes & Territoires de Syntec Numérique, Laure Lucchesi, directrice d’Etalabet Paul Duan, fondateur de Bayes Impact.

Laure Lucchesi a rappelé qu’une administration fondée sur la donnée, c’est une administration qui utilise une donnée produite par ses systèmes d’information ou collectées à l’extérieur et qui va en exploiter tout le potentiel pour mettre en place une meilleure action publique. Cela implique d’être plus transparent en rendant compte de l’action de l’État auprès des citoyens/usagers. Pour cela, l’administration doit mettre à disposition des données qui sont analysables et exploitables. La mise à disposition des données permet à des tiers de prolonger et amplifier l’action de l’administration. L’administration fondée sur la donnée, c’est également une administration qui est plus aidante en accompagnant l’usager sur les démarches qu’il doit accomplir. C’est, enfin, une administration qui est créatrice de valeur puisque la data est la base de la révolution numérique et qu’en la mettant au service de tous, on peut créer de nouveaux services publics ou privés. 

Paul Duan (Bayes Impact) estime que l’État n’a pas le monopole de la création du service public. Grâce aux infrastructures et notamment ses données ou son réseau de terrain, des initiatives citoyennes peuvent être amplifiées, avoir de l’impact et véritablement changer la donne. C’est le cas, par exemple, de l’application CovidTracker de Guillaume Rozier. Si ce type d’initiative fait encore partie des exceptions, l’idée est de les généraliser pour répondre par l’innovation à des problèmes de société. Laurent Sicart, président du comité Villes & Territoires de Syntec Numérique, a souligné que la data, ce « nouvel or noir du XXIe siècle » est un enjeu essentiel pour plus de participation, d’interaction, et de proximité entre l’État, ses collectivités territoriales et ses citoyens. Pour que le partage de la donnée soit une réussite, il faut d’abord un réseau et des infrastructures de qualité et un niveau de sécurité important pour instaurer la confiance avec le citoyen.

Dans le domaine de la Santé, d’après Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique en santé, 95% de l’énergie est focalisée sur la collecte de la donnée et non sur son traitement. On est un peu en retard en France.  « Dans la vraie vie, on passe notre temps, nous acteurs du secteur public à faire le grand écart entre tous ces mots à la mode : intelligence artificielle, big data, open data, blockchain et la réalité du terrain ». Souvent, les systèmes d’information hospitaliers ne sont pas adaptés et bien souvent les données de santé ne sont pas numérisées et à la disposition des professionnels. Laura Létourneau parle d’ailleurs de « tiers-monde numérique ». D’après elle, les pouvoirs publics n’ont pas été capables de fixer « le pourquoi » du numérique en santé, le « quoi » (soit qu’est-ce que l’on veut faire collectivement) et enfin le « comment » (à savoir comment les différents acteurs publics du domaine de la santé peuvent se coordonner). Début 2019, la « feuille de route du numérique en santé » a permis de « redonner un cap » en fixant un cadre de valeurs éthiques, humanistes et citoyennes à l’image de la France. Parallèlement, une vision, celle de « l’État plateforme » a été largement partagée auprès de l’ensemble de l’écosystème via une charte signée par tous les acteurs du secteur. 

Les initiatives citoyennes sont parfois peu ou pas soutenues par l’État. Comment les pérenniser, les « mettre à l’échelle » quand elles commencent à marcher ? Paul Duan pose la question des mécanismes nécessaires : à qui s’adresser, quelles démarches au niveau juridique et financier ? Comment créer ce type de partenariats dont l’intérêt réside dans un coût peu élevé ?

Le changement de posture pour passer d’une logique propriétaire et captive à une approche collective est essentiel. Il y a 4 enjeux majeurs pour pouvoir actionner le numérique au profit des usagers du service public selon Laurent Sicart. Il faut d’abord mettre l’usager au centre du débat et agir pour lui. C’est l’un des moyens existants pour lutter contre la fracture numérique. Ensuite, mettre en place une « collectivité durable » est une autre nécessité. Une société beaucoup plus inclusive est possible grâce au numérique. Le numérique peut rendre le pilotage des taxes plus compréhensibles, fluides et visibles. Enfin la sécurité est essentielle et l’État doit l’inclure dans sa dimension stratégique car elle se doit de proposer une information sécurisée. 

Laure Lucchesi, directrice d’Etalab, est revenue sur le programme « Entrepreneur d’intérêt général »lancé en 2016 dont l’objectif de prolonger l’action du service public et qui pourrait être un des moyens pour faciliter et stimuler la réutilisation de la donnée publique. On revient à l’idée de l’État plateforme qui pousse les administrations à s’ouvrir sur l’extérieur en partageant code-sources et données. La crise de la Covid-19 a permis de générer d’importantes initiatives dans le domaine de la santé. Elle a également permis de légitimer ce statut d’État plateforme. Tout ceci parce qu’il y avait une vraie urgence de santé. Rappelons que si l’État régule, c’est véritablement pour que l’on puisse innover et créer une compétition saine entre les acteurs privés. Grace à l’open data, un certain nombre d’outils et de services ont été mis au service de la population et ont permis de mieux gérer cette crise sanitaire. 

Ceux qui sauront exploiter au mieux la donnée publique récolteront tous les fruits de cet « or noir ». Paradoxalement, l’or est une ressource « finie » ce qui n’est pas le cas de la data qui par nature est infinie. Il faut donc pouvoir se connecter et utiliser toutes les bases de données et cette possible exploitation est devenue une nouvelle mission de service public. Aujourd’hui chaque Ministère dispose d’un Chief Data Officer qui est garant de cette donnée, de sa production, de sa collecte, de sa mise à disposition et de son exploitation finale. Si cette donnée est infinie, beaucoup d’acteurs privés cherchent à la privatiser en suivant des objectifs business. L’État doit veiller à ce qu’elle reste accessible à tous et en toute sécurité. « La donnée publique doit être partagée dans le sens du bien commun » a souligné Laurent Sicart « ne pas opposer le domaine public avec le domaine privé car l’écosystème est global ». Dans un autre secteur économique, celui de l’emploi, Paul Duanest revenu sur leur collaboration avec Pôle Emploi qui a permis de créer l’application Bob et qui, grâce à l’utilisation des données publiques, permet un coaching individuel. La mise en relation avec les bonnes personnes n’a été possible que de façon exceptionnelle et du fait d’un battage médiatique. Il faut donc organiser les filières et créer des passerelles pour faciliter la mise en relation et encourager ce type d’initiative. Il faut « une nouvelle doctrine de la création du service public »car le numérique « est une révolution dans le lien qui unit le citoyen à chacun des acteurs publics qui lui sont nécessaires au quotidien ». 

Valeria Faure-Muntian, députée de la Loire et marraine de l’événement, a clos cette matinée exceptionnelle. Elle a rappelé l’importance de l’État dans les données publiques puisqu’il les crée, les protège et les diffuse. Ces données sont essentielles pour l’innovation et la réduction des inégalités numériques. Si l’État a beaucoup progressé dans le domaine de la donnée et de son ouverture, la crise de la Covid-19 a montré que certaines données n’étaient pas encore disponibles notamment au niveau, par exemple, de la géolocalisation de soins de patients. En réalité, plus on ouvre les données, plus on les maîtrise, plus on les normalise plus on a de chances de les utiliser à des fins d’innovation. Globalement, pour encourager la création et l’utilisation de ces données, il faut organiser l’État un peu plus en réseau en faisant dialoguer les politiques publiques centralisées avec les territoires. Quoi qu’il en soit, l’État doit être un facilitateur en imposant des normes puis en diffusant ces données.